The Longing
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The Longing, l’éloge de la patience

Avez-vous déjà entendu parler du jeu The Longing ? Je ne serais pas étonnée que vous répondiez non à cette question. Sorti sur PC en mars 2020, c’est un an plus tard, en 2021, que j’ai eu l’occasion de le découvrir au moment de son lancement sur Nintendo Switch. The Longing, c’est l’histoire d’une petite créature sombre enfermée dans un habitat troglodyte pendant 400 jours. Mais pas 400 jours de jeux vidéo, des vrais jours, ceux de notre vie. Cela fait longtemps que j’ai envie de parler de cette expérience atypique que j’ai vécue. Et comme j’arrive bientôt au terme de mes 400 jours, je me lance enfin. 

the longing

Arriveriez-vous à vous occuper pendant 400 jours ?

Parfois le hasard vous fait tomber sur des ovnis vidéoludiques. Je me souviens très bien du jour où j’ai joué à The Longing pour la première fois. J’étais dans mon canapé, à chercher un petit jeu original à tester. J’ai lu la description du jeu sur l’Eshop, en diagonale je dois l’admettre, je l’ai acheté et je l’ai lancé. Je me rappelle que la première chose que je me suis dite c’est que le jeu était incroyablement beau. Mais ça, nous y reviendrons plus tard. Parce que je me souviens aussi de la deuxième chose que je me suis dite : « Purée qu’est-ce qu’on se déplace lentement. Au secours, je n’ai aucune patience, je ne vais jamais réussir à finir ce jeu ». 

Premier contact

Le pitch de The Longing est simple : dans un immense royaume souterrain, un roi puise dans ses dernières forces pour créer un serviteur, vous. Après un tel effort, le monarque a besoin de se reposer pendant quatre cents jours afin de retrouver ses forces. Votre rôle sera de le réveiller au terme de ces jours, quand le moment sera venu. Abandonné, seul dans un immense dédale, vous n’aurez pas d’autre choix que d’attendre, et d’explorer. Explorer d’accord, mais votre personnage, votre petite ombre, se déplace lentement, vraiment lentement. D’ailleurs, si vous essayez de la faire courir, elle vous répondra qu’il n’y a aucun intérêt à le faire puisqu’elle a tout son temps. Je n’avais jamais vu ça dans un jeu vidéo. Dans un monde où tout s’accélère en permanence, où il est de plus en plus difficile de se tenir immobile sans rien faire et où les sollicitations viennent de partout, ils ont créé un jeu vidéo extrêmement lent. Sans rire.

 

Je ne vais pas vous mentir, je n’ai aucune patience, alors je me suis tout de suite dit que mon achat avait été compulsif et stupide. Pourquoi est-ce que je n’avais pas mieux regardé les bandes-annonces du jeu ? Mais au fond, une petite partie de moi trouvait l’idée et l’univers tellement original et intéressant, que j’ai persévéré un peu. Et j’ai bien fait, The Longing m’a fait découvrir un monde absolument gigantesque et magnifique. 

L'exploration

Une fois que le jeu est lancé, le premier réflexe est de se livrer à l’activité principale que le jeu vous offre :  l’exploration. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a de quoi faire. Non seulement les cavernes sont immenses, mais elles sont aussi très belles. Impossible de ne pas s’émerveiller dans la direction artistique. Les graphismes de The Longing sont dessinés à la main et l’animation est brillamment exécutée. L’exploration devient rapidement addictive et vous aurez envie de savoir ce qui se cache dans tous les recoins de la map. 

 

Cependant attention, le roi vous a interdit de sortie des cavernes. Bien sûr, ce choix vous revient, et il est possible, avec beaucoup de patience et de persévérance, de déjouer ses ordres. En effet, la plupart des passages qui vous seront interdits au début du jeu se débloqueront avec le temps. Parfois des énigmes seront à résoudre, des objets seront à récupérer, mais parfois c’est le temps qui fera les choses pour vous. Émoussant une pierre ou remplissant un gouffre infranchissable d’eau goutte par goutte. 

 

Vous serez toujours accompagné d’une bande-son calme et apaisante et des réflexions de votre petite ombre se questionnant sur le temps qui passe et sur l’inconstance de la vie. Sachez que le jeu n’a pas besoin de vous pour se dérouler. Même lorsque la console est éteinte, la vie dans la caverne continue, ce qui rend l’image de cette créature solitaire encore plus réaliste et dramatique

Le protagoniste

Parlons de notre ombre justement. Ce n’est pas un personnage silencieux qui obéirait à votre bon vouloir. Elle est remplie de doute, de crainte et est régulièrement en proie à des crises existentielles. Elle passe son temps à hésiter entre obéir au roi ou sortir enfin de ces maudites cavernes. Pour elle rien n’a de sens, et la vie n’est que l’attente inexorable de la fin. Comment trouver sa place dans un monde où son seul rôle est d’attendre ? Comment échapper à l’ennui et ne pas devenir fou ? Faut-il briser ses chaînes ou attendre patiemment que sa tâche soit accomplie ? Tout au long du jeu cette ombre fera son introspection, et vous poussera par la même occasion à vous poser toutes sortes de questions sur votre vie. 

Cette petite créature aime lire et peindre. Deux activités qui lui permettent d’oublier le temps qui passe et donc de le faire passer plus vite dans le jeu. Vous pourrez même lire ces livres avec elle si vous le désirez. Finalement, cette attente ressemble presque à de la médiation. Cette activité représente extrêmement bien l’immobilité, Céline en parle dans son article : comment se sentir mieux avec le jeu vidéo et d’autres techniques, et si The Longing peut vous apprendre quelque chose, c’est bien à méditer sur la vie et le temps qui passe. Et en réalité, vous vous attacherez vite à ce petit être un peu informe, au bord de la dépression, menaçant de s’écrouler sous le poids de la solitude. Et c’est à vous de décider de ce qu’elle fera de son temps.

La passivité contre la tyrannie de la vitesse

L’expérience de jeu que vous propose The Longing n’est clairement pas anodine. C’est une expérience du temps qui passe mais surtout de la passivité. Personnellement, je passe mon temps à répéter à qui veut l’entendre que je n’ai pas assez d’heures dans une journée pour faire tout ce que je voudrais faire, pourtant, je passe mon temps à courir. L’autre jour, je me suis surprise, un écouteur dans l’oreille pour écouter une formation, mon téléphone collé à l’autre pour entendre un vocal, ce dernier coincé contre mon épaule pour taper un mail. C’est cette image totalement absurde, vous en conviendrez, qui m’a remis en tête The Longing. Que se passerait-il si j’avais devant moi 400 jours à attendre ? Je n’arrive déjà pas à m’arrêter plus d’une journée, alors plus d’un an. 

 

The Longing m’a fait me poser énormément de questions sur mon rapport au temps et à la patience. C’est une expérience à part qui vous pousse à vous interroger sur le sens du jeu, de la vie, sur les décisions que vous prenez et leur impact sur votre vie. Quelles seront les conséquences de vos actions, mais surtout de votre inaction ? On le sait, parfois il est bien plus bénéfique de laisser le temps couler sans chercher à agir sur lui. Je pense que cette tyrannie de la vitesse dans ce monde qui ne cesse de s’accélérer nous empêche de faire l’expérience de l’immobilité, pourtant si bénéfique à notre esprit et à notre corps. Alors si vous êtes sensible à ces questions, je vous conseille The Longing. Je ne me suis pas étalé sur ce qui fait la beauté du jeu, ses graphismes, ses fins multiples, les secrets, les easter egg, je vous laisse les découvrir par vous-même, accompagné de votre petite ombre

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Juliette Defrance

Rédactrice

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